La plupart des services de transport solidaire sont organisés sous le régime juridique du transport d’utilité sociale car c’est le plus léger à mettre en oeuvre, et qu’il a justement été créé pour codifier une pratique préexistante peu encadrée. Nous verrons comment ce statut se distingue des autres régimes de transport et notamment du transport collectif bien mieux connu des collectivités locales.
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Le transport solidaire, une pratique et non un statut
Le terme de « transport solidaire » n’a pas de signification réglementaire, c’est un terme utilisé pour désigner les services de transport réservés aux publics en précarité de mobilité, que ces services soient portés par des associations de bénévoles (quelquefois encore même par des CCAS ou des mairies directement), des associations ou chantiers d’insertion, des opérateurs de transport public, etc.
D’autres termes sont d’ailleurs utilisés comme les « déplacements solidaires accompagnés » pour mettre en valeur l’accompagnement, qui est souvent plus important que le transport en lui-même puisque le rôle du bénévole peut aussi être d’aider à faire des courses, orienter le bénéficiaire dans un grand établissement médical, et puis juste discuter et passer des moments conviviaux.
Ce site, la plateforme du transport solidaire, a été créé autour de la pratique associative de ces services, donc plutôt le transport d’utilité sociale, mais il est important de le distinguer des autres modes d’organisation, notamment du transport à la demande.
Transport d’utilité sociale et transport à la demande – une distinction réglementaire
Les deux régimes juridiques du transport d’utilité sociale et du transport à la demande sont décrits dans le Code des transports.
Le transport d’utilité sociale est défini à l’article L3133-1 sous le titre du transport privé routier de personnes. C’est un transport à titre non onéreux, qui ne peut être organisé que par des associations exclusivement, et doit respecter principalement deux critères non cumulatifs de situations personnelles des bénéficiaires (allocations, ressources) ou de rayon d’intervention géographique – voir notre FAQ pour plus d’informations. Le service est soumis à d’autres conditions comme la distance maximale des trajets ou le plafond de participation aux coûts du service par les bénéficiaires. Ces conditions ont été fixées par le législateur pour notamment éviter la concurrence avec les services de taxis privés.
Le transport à la demande est défini à l’article L3111-11 sous le titre des transports publics collectifs. Ce transport ne peut être organisé que par une convention entre une autorité organisatrice de la mobilité (une collectivité locale qui s’est saisie de la compétence mobilité) et une entreprise inscrite au registre de transport routier de voyageurs (inscription conditionnée à un certain nombre de capacités vérifiées par les services préfectoraux). C’est donc bien un transport en commun « classique » sauf qu’il ne dispose pas d’horaires réguliers mais fonctionne selon les besoins des usagers. Sous certaines conditions de carence de l’initiative privée il peut être fait appel à des particuliers ou associations pour organiser ce type de service comme décrit dans l’article L3111-12. Ces particuliers ou associations restent soumis dans ce cas à l’obligation d’inscription au registre de transport routier de voyageurs, même si elles bénéficient d’exemptions de capacité professionnelle et financière – voir article R3113-10 du Code des transports.
Ainsi le transport d’utilité sociale est plus léger à mettre en oeuvre puisqu’il ne nécessite pas de convention publique ni de capacités particulières ou d’agrément de transport – à condition de respecter un certain nombre de critères portant sur les bénéficiaires et la zone géographique d’activité.
Au-delà des statuts, des organisations souvent différentes entre transport d’utilité sociale et transport à la demande
Les publics ciblés
Les services de transport d’utilité sociale et de transport à la demande sont souvent organisés pour desservir des zones qui ne sont pas couvertes par les lignes régulières de transport public, ou destinés à des publics qui ne sont pas à l’aise avec les transports publics « classiques ». Cependant, les services de transport d’utilité sociale vont plus généralement cibler des publics précaires (personnes âgées, jeunes en insertion, etc.) tandis que les services de transport à la demande sont souvent « universels » c’est à dire ouverts à tous – des exceptions existent.
Les conducteurs et véhicules
Les services de transport d’utilité sociale sont souvent organisés à l’aide de bénévoles qui utilisent leurs véhicules privés – donc des voitures 5 places, alors que les services de transport à la demande fonctionnent avec des chauffeurs salariés et des véhicules de 9 places appartenant à un opérateur privé de transport. De plus en plus d’associations de transport d’utilité sociale acquièrent cependant des véhicules « propres » qu’ils peuvent mutualiser, ou mettent à disposition des bénévoles des véhicules lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour les autres activités de l’association. Les associations et chantiers d’insertion ont un fonctionnement intermédiaire avec des chauffeurs salariés en emploi aidé mais en recourant au statut du transport d’utilité sociale pour plus de liberté d’organisation.
Le coût du service
Le coût du service est fortement dépendant de ce mode d’organisation, puisqu’un petit service de transport d’utilité sociale reposant sur une association de bénévoles peut fonctionner avec un budget de 5 000 € par an alors qu’un service de transport à la demande va nécessiter au moins 50 000 € à 100 000 € par an. Certains services de transport d’utilité sociale peuvent fonctionner avec des budgets intermédiaires, notamment lorsqu’ils emploient des salariés aux postes de « référents » pour décharger les bénévoles des tâches d’administration et de planification des déplacements.
La participation aux coûts du service d’un transport d’utilité sociale par les bénéficiaires est plafonnée par décret à 32 centimes d’euros par kilomètre parcouru – soit environ 6 € pour un trajet aller-retour de 20 km. Cette participation ne couvre pas toujours la totalité des frais du service mais y contribue très largement. Le prix demandé au passager d’un transport à la demande varie généralement de 2 à 4 euros et ne couvre en moyenne que 20% du coût réel du service.
Même si le transport à la demande mutualise plus aisément les trajets, le reste à charge par trajet en zones peu denses d’un transport d’utilité sociale varie entre 2 et 15 euros alors que le coût par trajet en transport à la demande varie entre 20 et 30 euros.
Pourtant des convergences existent – le transport d’utilité sociale deviendrait-il un transport collectif ?
Avec la hausse des prix du carburant, la professionnalisation des associations qui pour certaines embauchent des référents salariés pour gérer le nombre grandissant de demandes, la volonté de limiter les participations aux coûts du service par les bénéficiaires, le reste à financer des services de transport d’utilité sociale tend à s’accroître et incitent donc les associations à grouper les demandes pour limiter les coûts du service. Ainsi, à l’instar du service Allo Courses du Centre Social François Maillard du Pays de Bray qui organise de véritables tournées pour se rendre aux marchés ou supermarchés locaux avec les véhicules du centre social conduits par des bénévoles. Les modalités d’organisation se rapprochent ainsi des « lignes virtuelles » du transport à la demande avec des trajets sur des itinéraires prédéterminés et à horaires fixes, tout en conservant le statut et la flexibilité du transport d’utilité sociale.
Tableau de comparaison du transport d’utilité sociale et du transport à la demande
Pour conclure voici un tableau de comparaison qui résume les principales différences exposées ici :
Transport d’utilité sociale | Transport à la demande | |
---|---|---|
Par qui ? | Association – avec respect critères géographiques ou sociaux – transport à titre non-onéreux | Entreprise sur contrat avec Autorité Organisatrice de la Mobilité (AOM) et inscrite au registre des transports par route (sauf si carence – L3111-12 code des transports) |
Public cible | Catégories de la population très ciblées – personnes âgées, jeunes en insertion, etc. | Généralement ouvert à tous les usagers |
Organisation la plus répandue | En général conducteurs bénévoles avec véhicules privés – forte dimension d’accompagnement | Chauffeurs et véhicules dédiés – enjeu de groupage des courses |
Coûts | 2 – 15 € / trajet selon structure d’association (reste à subventionner entre tous les financeurs) | 20 – 30 € / trajet pour AOM |
“Tarification” | de 0,20 € à 0,40 € / km pour le bénéficiaire (même si plafonné légalement à 0,32 € / km) – soit 2 € à 8 € le trajet (en général) | 2 – 4 € le trajet pour l’usager (en général) |
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